Sonates à quatre mains

L’ambiance ce matin du quatrième jour était angoissante. Maître Ours avait accepté de recevoir, chez lui, dans sa caverne, le célèbre détective londonien aujourd’hui installé à Bordeaux, SieurHolmes. Il n’avait sûrement pas dû plaire à la reine puisque le titre de sir lui avait échappé. Une enquête mal menée peut-être. Aujourd’hui retraité vagabond sur les terres anglaises de l’Aquitaine. SieurHolmes a décidé de poursuivre sa quête de justice en punissant toutes les jeunes femmes indisciplinées. J’étais sur sa liste. Impossible d’y échapper. Et dans ce jour d’avril, j’allais me découvrir de plusieurs fils pour assumer presque sagement, la fessée soi-disant méritée.

À 18 h, après une journée consacrée principalement à la photographie animalière, mon téléphone portable se mit à chanter. Sur l’écran, le nom de SieurHolmes s’afficha. Mon sang ne fit qu’un tour et dans un mélange de joie et d’inquiétude je décroche.

• Allo !!
• Allo Mirabelle !! C’est SieurHolmes. Qu’est que je fais maintenant que je suis arrivée à votre point de repère ?

Monsieur Ours d’un signe de la tête comprit qu’il s’agissait de son partenaire de la soirée.

• Il est là, me demanda-t-il ?
• Oui. Je lui explique le chemin ?
• Oui, vas-y.

Expliquer un parcours à un homme c’est tout de même un sacré exercice de style. Vous lui dites d’aller à droite, vous êtes qu’il va vous demander où elle se trouve. Enfin, avec sainte patience ma bienfaitrice, j’arrive à lui indiquer le chemin sans qu’il ne se perde trop. Il n’y avait que 600 m à faire. Mais les femmes qui me lisent comprendront tout à fait ma galère.

J’entends la voiture arriver dans la cour. Je l’annonce à Maître Ours. Bruit de pas dans le couloir. Mouvement de vêtement qu’on semble enfiler. La sonnette.

• Je vais ouvrir.
• Oui Mira.

J’ouvre la porte. Devant moi, la canne à la main, un chapeau « deerstalker » sur la tête, et la pipe à la main, SieurHolmes s’imposait par sa carrure et son élégance. Après les salutations de politesse, nous nous installâmes dans la cuisine pour prendre un apéritif. Un moment convivial pour permettre aux deux hommes de faire connaissance. Les deux pies ont jacassé si bien que l’heure du repas arriva. Je n’avais pas réussi à placer un mot. Mais je les avais bien écoutés. Et même si rien n’était décidé, leur complicité naissante était un mauvais signe pour moi.

Arrivée devant le restaurant, il fallait que me je montre que je savais parler. Aussi j’ai commencé à les chambrer. Et puis que pouvait-il m’arriver. Parking public, SieurHolmes, non, rien ne pouvait m’arriver. Erreur. Maître Ours jugea que mes provocations devaient se payer sur-le-champ. Et je reçus une forte claque sur les fesses.

On entre. Personne. Derrière moi une coiffe d’indien. Forcément, venant de payer pour le Dindours, difficile d’oublier nos magnifiques Indiens. Et me voilà courageusement provoquant Maître Ours. Et lui, sans hésiter une seconde, me donna une deuxième claque alors que le serveur s’approchait de nous. Il sourit et nous conduit à notre table.

Pas de chance, maître Ours semblait avoir tout calculé. Il me coinça contre la fenêtre et lui, et invita Sieur Holmes à se placer devant moi. Impossible de m’échapper. Et ainsi placée, j’ai bien à sa portée. Nous passons notre commande. La discussion va bon train, et cette fois l’occasion m’est donnée de m’exprimer. J’en profite pour les chercher. J’ose espérer que le lieu favorise une impunité passagère, même si de grands doutes surgissent là.

Maître Ours ne se laissera pas impressionner. Et levant ma jupe pour y dénuder ma cuisse, il la claqua. J’essaie de rester sage, mais c’est quasi mission impossible. Les claques se suivent et SieurHolmes rage de ne pouvoir l’accompagner. Il ne manquait que ça. Le repas terminé, je m’apprêtais à dire au revoir à notre hôte. Mais Maître ours ne le voyait pas ainsi.

• Tu as du temps SieurHolmes ? Tu viens à la maison pour le digestif ?

Mais qu’est-ce lui prend de lui proposer un digestif ! Pourvu qu’il soit fatigué.

• Oh, mais c’est avec plaisir !! dit-il en m’adressant son plus beau sourire émail diamant.

Je sens le roussi.

De retour à l’appartement, maître Ours m’ordonna de m’allonger sur le divan.

• Tu as été insupportable au restaurant. Je t’ai promis une fessée et bien tu vas la recevoir.

Je regarde tristement Maître Ours. Et je m’allonge. J’avais cru à une impunité, et me voilà fesses à l’air puni par quatre mains. Ils semblent avoir le rythme dans la peau. L’intelligence de SieurHolmes sur l’anatomie humaine n’est plus à prouver. Il sait où il faut claquer pour se faire respecter. Maître Ours apprécie une telle complicité qui rend sa propre technique redoutablement efficace.

Exposée et longuement chauffée, la fessée se termine enfin. J’avais servi de digestif à cette superbe soirée avec notre détective privé londonien, SieurHolmes.